samedi 26 novembre 2016

J'ai découvert la plume de : Wajdi Mouawad avec "Littoral"

Partie 1 du cycle Le Sang des Promesses

"LE CHEVALIER. Cours, Wilfrid, va, vole, suis ce chemin inusité qui conduit au gouffre, et saute ! Saute dans le gouffre ! Laisse les chemins, car tous les chemins mènent à la terre, le gouffre, seul, conduit au rêve. Saute, Wilfrid, saute !"

Résumé : En apprenant la mort de son père inconnu, l’orphelin Wilfrid décide de lui offrir une sépulture dans son pays natal. Mais ce coin du monde est dévasté par les horreurs de la guerre, ses cimetières sont pleins, et les proches de cet homme rejettent sa dépouille. A travers les rencontres douloureuses qu’il fera à cette occasion, Wilfrid entreprend de retrouver le fondement même de son existence et de son identité.

Né au Liban, Wajdi Mouawad a vécu à Paris, puis longtemps à Montréal avant de revenir en France. Littoral est le premier volet de sa tétralogie Le Sang des promesses, cycle de théâtre tragique en mode majeur, largement accueillie à l’aube du XXIe siècle.

Mon avis : <3 <3

   Je suis contente d'étendre ma culture avec la lecture d'un dramaturge libanais, le premier sans doute, et pas n'importe qui. En effet, le titre Littoral ne vous dit peut-être rien mais si je vous dit Incendies, peut-être que cela vous remémore cette pièce de théâtre dont on a beaucoup entendu parler. Je n'ai malheureusement pas vu la pièce mais j'ai eu des échos sur l'histoire car ce livre a souvent été au programme des classes de premières pour le baccalauréat de français. Je savais donc que le thème tourne autour de la parenté et que c'est une histoire violente.

Alors qu'il était très occupé - une occupation bien spécifique - Wilfrid apprend que son père est mort : "Dringallovenezvotrepèreestmort". C'est ainsi que démarre la pièce. La perte de cet être est l'élément phare du récit. J'ai cru au début que la pièce serait plutôt réaliste, mais le réalisme va vers le fantastique. Ainsi, un mort n'est pas toujours parti, un tué n'est pas forcément mort... La pièce part sur une base, la perte d'un père, mais le récit nous en apprend plus par la suite sur la relation entre Wilfrid et ce père.

J'ai été ravie par deux procédés utilisés dans le récit qui enrichissent considérablement la pièce : tout d'abord il y a un réalisateur et en lisant cette pièce de théâtre, on se retrouve alors sur un plateau de tournage - fictif. Ce procédé revient surtout au début de la pièce. Ensuite, Wilfrid se retrouve parfois devant un juge, ce qui est banal en soi, mais cela donne du charme au récit.

Récemment, j'en ai profité pour lire des pièces de théâtre, notamment d'auteurs inconnus, et j'ai été très déçue par la découverte des dramaturges John Fosse et Valère Novarina, entre autres. Pourtant, la donne a changé avec Wajdi Mouawad. J'ai trouvé de magnifiques éléments dans son écriture théâtrale, ce que je recherche avant tout. Vous savez, le petit effet qui fait toute la différence. Pour être précise, j'ai notamment aimé la scène 7 oùWilfrid est à la fois "dans deux bureaux et un magasin à la fois" dit la didascalie, ce que je trouve surprenant. Le rendu est superbe et donne toute la place à une mise en scène. Il y a également, scène 8, une confusion dans l'endroit où se trouvent les personnages. L'oncle Émile affirme être dans l'appartement de Wilfrid puis au salon funéraire, comme les autres. C'est très amusant comme situation, je n'avais vu cela auparavant. Pour enterrer son père, Wilfrid se rend dans un pays qui n'a pas de nom. Cela m'a donc davantage interpellé que si une localisation - fictive ou imaginaire - avait été précisément désigné. Il s'agit d'un pays sombre, en proie à une guerre et où les bombes fusent, où les soldats commettent les pires atrocités sur les civils et où les morts s'entassent. Il n'y a pas un habitant qui n'ait perdu quelqu'un.

Le ton est donc très particulier, avec un petit humour. Les personnages ont du répondant, ce que j'adore, comme dans cette réplique-ci :

"WILFRID. Mon père est mort, chevalier Guiromelan.
LE CHEVALIER. C'est une chose que tout bon père doit faire avant son fils."

Comme si la mort se décidait ! Il y aussi de nombreux gros mots (notamment au début de la pièce). J'ai accroché à l'écriture de la pièce. D'ailleurs, puisqu'il faut rendre à César ce qui est à César, Wajdi Mouawad partage l'idée originale de cette pièce avec Isabelle Leblanc, qui a imaginé et incarné sur scène le personnage de Simone.

Constamment attentive aux prénoms, j'ai pu remarquer une très grande diversité dans ceux qui ont été choisis. Choisi, en effet, pour porter un message : la mère de Wilfrid, Jeanne, est ainsi mariée à Ismail. Ce prénom de Wilfrid a résonné dans mes oreilles car je ne l'apprécie guère et cela est étonnant comme choix pour une pièce de théâtre. Ce prénom populaire ne correspond pas à l'image que j'avais de la pièce avant de la lire. Les oncles et tantes de Wilfrid portent tous d'anciens prénoms français : Michel, Marie, Émile, François, Lucie. Il y a des prénoms orientaux et atypiques, tels que Amé ou Sabbé, et le fameux personnage du Chevalier Guiromelan. Je suis satisfaite par ce choix de prénom - la prénominologie me passionnant.

=> En somme, une belle écriture théâtrale, une histoire sur la famille qui ne pouvait que me parler et qui ne peut que me donner envie de se plonger dans les autres pièces du cycle. Un dramaturge à suivre !


Genre : Pièce de théâtre
Publié en 1999
Pages : 104
Libanais



Cycle Le Sang des Promesses :
  • Incendies
  • Forêts
  • Ciels

Découvrir un auteur :
Wajdi Mouawad

mardi 15 novembre 2016

"Volutes féminines, tome 1 : 50 portraits de beautés empoisonnées" de Mickaël Gil



Elle se souvient de sa première cigarette comme d'un tournant dans sa vie. Un geste anodin sur l'instant, une erreur qui perdure longtemps et des remords qui restent indéfiniment.

Résumé : La femme et la cigarette ou l'opposition entre la beauté et le poison dans un recueil de courtes nouvelles qui s'articule autour d'un geste et de ses multiples définitions. Une introspection afin de montrer ce qu'on ne voit plus et redécouvrir l'acte de fumer sous un angle réaliste et original. Traductions multiples de la relation entre féminité et tabagisme, ces nombreux focus ont pour but d'apporter des nuances et un regard plus humain sur les fumeuses. 
« Femme qui fume est éphémère... » 
« Frêle fille qui se parfume de cette fourbe effusion, s'affuble d'une funeste confusion. » 
« Feu d'artifice où le féminin s'enflamme, se flétrit et s'enfume sur un fil de funambule. »

Mon avis : <3 <3

  Volutes féminines est un très joli titre mais qui renvoie à une toute autre réalité : la fumée de cigarette et le tabagisme. Cependant, j'ai eu plus de mal avec le sous-titre et l'emploi du terme "beautés". Le choix de ce mot m'a fait tiqué car il présageait un lot de préjugés sur les femmes. En plus, qui dit beauté dit laideur, et qui parle de la laideur à l'heure actuelle ? Heureusement, je n'ai pas remarqué de propos sexistes, ce qui était un très bon point pour la suite.

Ce livre est un ensemble de nouvelles - très courtes - et comporte également une fable, un conte et deux poésies. La brièveté ne doit pas vous effrayer : l'écriture de Mickaël Gil est très belle ! J'ai aimé sa sensibilité. Le fait qu'il ait une écriture splendide contraste avec ce dont il parle : le tabac. Toutes les thématiques liées au tabac sont ainsi abordées : la première cigarette (l'auteur s'intéresse à plusieurs reprises aux collégiennes et aux lycéennes influencées par un groupe et qui, donc, de fait, commencent à fumer), la jeune fille qui devient fumeuse comme sa mère, la femme enceinte qui fume malgré tout, la fumeuse occasionnelle, les mégots abandonnés... L'autre génie de l'auteur, ce sont les images et les métaphores. Elles m'ont beaucoup plu et sont tellement fortes et bien trouvées ! Par exemple, celle-ci :
Avec sa jupe orange et son air aguicheur, le tabac est une catin prédisposée à passer à l'acte, sans abus de conscience.

Ce que j'ai apprécié également, ce sont les photographies insérées dans le livre. Elles ont été réalisées par Laurie Jacquemin, une jeune photographe de seize ans, et elles apportent beaucoup au récit.

La préface est sans doute un peu longue - l'auteur insistant beaucoup sur sa démarche. Dans sa postface, il explique l'histoire de ce livre, qui devait s'insérer au départ entre les chapitres d'un roman en cours d'écriture. C'est donc intéressant aussi de ce point de vue là.

=> Une lecture sur le tabac qui ne nécessite pas d'être fumeuse. La plume est tellement sublime et agréable à lire que l'auteur en viendrait presque à rendre la cigarette agréable...


Genre :  Nouvelles
Publié le 12/08/2016
Pages : 144
Français


En partenariat avec les éditions Librinova

vendredi 4 novembre 2016

"Le Crime d'Halloween" d'Agatha Christie

Autre titre : La Fête du potiron
Titre original : Hallowe'en Party



Résumé : Le 31 octobre, les sorcières s'envolent sur leur manche à balai : c'est Halloween, la fête du potiron. À cette occasion, Mrs Drake a organisé une soirée pour les "plus de onze ans". Les enfants participent aux préparatifs, sous l’œil nonchalant de Mrs Oliver, qui croque son éternelle pomme. "Savez-vous que j'ai eu l'occasion d'assister à un vrai meurtre ?" se vante Joyce, une fillette à la langue bien pendue, devant la célèbre romancière. Tout le monde lui rit au nez : Joyce ne sait plus qu'inventer pour se rendre intéressante. La fête est un succès, et les enfants font un triomphe au jeu du Snapdragon qui clôt la réception. Tous les enfants ? C'est en rangeant la maison, après le départ des invités, qu'on découvre le cadavre de la petite Joyce dans la bibliothèque. Bouleversée, Mrs Oliver fait aussitôt appel à son ami, le grand Hercule Poirot.

Mon avis : <3

   Pour changer un peu de thème, je me suis (re)plongée dans un livre d'Agatha Christie. Je n'ai dû lire que Les dix petits nègres de l'auteure pour l'heure, mais cela ne saurait tarder à changer. En effet, plus le temps passe, plus je commence à me tourner un peu plus vers les romans policiers (tradition familiale oblige).

Je dois avouer que j'ai été quelque peu déçue par cette lecture. Si je n'ai pas tant été saisie par l'histoire, c'est sans doute que ma lecture a trop traîné dans le temps, alors qu'il s'agit d'un petit livre. Le personnage d'Hercule Poirot est toujours aussi amusant, ainsi que son homologue auteure de romans policiers. Pourtant, pour ce qui concerne l'intrigue, je l'ai trouvé assez lente.

Le début parle d'une soirée d'Halloween pour jeunes gens, mais, ensuite, la fête s'estompe pour laisser place à l'enquête. Le meurtre de Joyce, une jeune fille retrouvée noyée dans un seau, est sordide et je me demandais vraiment qui avait pu le commettre. Je dois bien l'admettre, après lecture, je ne l'ai pas deviné ! J'ai beaucoup aimé la référence à la mythologie dans la résolution du crime (je ne vous dirai rien de plus, quand même !).

=> Une petite lecture adaptée pour un 31 octobre mais qu'il vaut mieux lire d'un trait pour ne pas en perdre une miette. Le crime renvoie à Halloween mais cela reste une enquête typique  d'Hercule Poirot signée Agatha Christie, alors ne vous attendez pas à y trouver du surnaturel (quoi que...).



Genre :  Roman policier
Publié en novembre 1969
Pages : 159
Britannique